COULEURS-DE-LA-VIE

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Adultes & Ados : le grand malentendu

  L'ado cherche sa place, en quête de modèles propres. Comment doser liberté & limites, dialoguer sans envahir, écouter sans juger ? Jacques SALOME.

Il n'y a pas si longtemps, les adolescents passionnaient et préoccupaient les adultes. Ils les inquiétaient aussi, les charmaient et quelquefois même les rendaient jaloux par leur vitalité, leur jeunesse, leur désinvolture, leur appétit de vivre et leur créativité tous azimuts.

Aujourd'hui, les ados font peur et il nous arrive de chercher à les fuir, de les éviter, de redouter une confrontation trop directe et même de renoncer à échanger avec eux.

Est-ce eux, est-ce nous qui ne savons plus comment nous rejoindre, qui nous sommes éloignés, perdus, contaminés et phagocytés les uns et les autres par une société qui a privilégié la communication avec le lointain au détriment d'une communication conviviale avec le prochain ?

Est-ce eux, est-ce nous qui avons trop poussé à la communication de consommation (à travers une technologie passionnante mais parfois délirante, déclenchant un hyper développement de la circulation de l'information) et confondant tout cela avec la communication relationnelle, c'est-à-dire avec une mise en commun qui relie, rassemble et amplifie ?

Les causes du malentendu entre adultes et adolescents sont multiples, certaines éternelles, d'autres plus récentes et quelques-uns des textes de ce dossier, sont destinés justement à nous éclairer, à nous permettre de sortir de la passivité ou du désespoir, de la démission ou de la surenchère quand nous sommes confrontés aux adolescents qui nous sont proches ou qui nous entourent.

L'adultolescence.

L'adolescence est une étape délicate, chacun en convient, difficile et parfois chaotique à vivre. Une étape d'incertitude, d'indécisions, d'interrogations tous azimuts, où se mêlent le besoin de grandir et la peur de changer. Mais aujourd'hui c'est une étape qui semble durer, se prolonger en aval et en amont du développement d'un enfant. C'est une période qui commence de plus en plus tôt (où la période de latence chère à tonton Freud ?) et qui se prolonge tard bien au-delà de la majorité donnée à 18 ans !

L'adolescence est une période qui s'étale, qui se répand aujourd'hui dans le temps, à tel point qu'une nouvelle tranche de vie voit le jour, prenant place, beaucoup de place, entre adolescence et âge & adulte, étape qu'il serait possible d'appeler l'adultolescence, avec ces adolescents attardés qui n'arrivent pas à franchir le pas de s'inscrire dans la vie, ces faux adultes qui sont à demeure (et en dépendance) chez papa, maman jusqu'à 26, 28, bientôt 30 ans !

Le conflit besoin / désir.

L'adolescence est une tranche de vie traversée de beaucoup d'incohérences & de doutes. Une période où se vivent des inquiétudes, des tâtonnements, des recherches et des tentatives d'affirmations pas toujours adaptées à la réalité.

Beaucoup d'adolescents oscillent entre errances et refus, entre dépendances et certitudes excessives, entre révoltes et soumissions à des valeurs parfois périmées. Une des séquences de leur vie se caractérise par une capacité à décrocher du réel, voire à le refuser, pour se réfugier dans le rêve, l'imaginaire et de plus en plus aujourd'hui dans les univers virtuels.

Mais l'adolescence est aussi un temps de vie passionnant, fertile en découvertes, ouvert à toutes les passions, plein d'effervescence. c'est une période où s'inscrivent des engagements essentiels, le départ d'une vocation, l'amorce d'un cheminement spirituel, d'un choix professionnel ou d'une démarche altruiste, sociale, tournée vers autrui.

C'est le plus souvent nous les adultes qui sommes en difficulté face à eux, démunis devant ce qui nous paraît des incohérences, de l'excessivité ou des outrances chez eux. Nous nous sentons souvent heurtés, irrités, désarçonnés par leur attitudes pleines de paradoxes. Tout se passe comme si l'intensité de leur besoin d'être proches (à certains moments) avec l'un ou l'autre de leur parents était inversement proportionnel avec leur désir de s'éloigner ou de rejeter ces mêmes parents, comme pour mettre à l'épreuve le lien, pour en vérifier la solidité et la fiabilité.

Il semble que le conflit besoin / désir soit au cœur même de la dynamique d'un certain nombre d'adolescents. besoin de réassurance et refus de proximité, aspiration à une liberté d'être et désarroi face à un laisser-faire. Ils veulent être compris sans avoir besoin de dire et toute tentative de compréhension proposée à partir de nos propres inquiétudes (car ils sont très habiles à les réveiller) est vécue comme une intrusion, une effraction qui déclenchera fuites, comportements réactionnels ou déplacements sur des conduites d'opposition ou de sabotage dans les échanges avec l'entourage proche.

Le plus souvent c'est l'image d'eux-mêmes qu'ils n'acceptent pas, aussi le dialogue serait-il souvent refusé ou considéré comme une perte de temps. "De toute façon vous n'êtes pas capable de comprendre !", "Avec vous ce n'est pas la peine de discuter, vous voulez toujours avoir raison !". "Sitôt que je raconte quelques chose, que je fais un truc avec les copains, c'est l'angoisse chez maman, c'est la déprime chez papa !"

Les adultes que nous sommes devenus ne sont plus, à leurs yeux, des modèles et nos modes de vie ne représentent pas toujours les bases d'un savoir-vivre auquel ils peuvent s'identifier. "De toute façon, vous ne savez rien, vous ne voyez rien, vous ne pouvez même pas imaginer ce qui se passe au Lycée du côté des chiottes !". "Moi, j'ai pas envie de vivre comme vous, toujours à avoir peur de plus avoir de boulot. J'en ai rien f… des boulots de m… qu'on me propose !", "Regarde papa, il a bossé 30 ans pour sa boite, il a tout donné et il le jettent parce qu'il délocalisent en Thaïlande !"

Les parents ont souvent du mal à passer avec eux d'une relation de soins à une relation d'échanges, d'une communication asymétrique (je sais mieux que toi) à une communication en réciprocité (nous pouvons partager des points de vue différents !).

Bien sûr, comme parents, comme accompagnants, nous avons de l'amour pour eux, mais cet amour est souvent vécu comme trop envahissant, trop culpabilisant. "Chaque fois que ma mère me dit - je t'aime tu sais ! j'ai l'impression que je lui dois en retour quelque chose ! "

Qu'il s'agisse de nos enfants ou de proches, nous avons des projets, des désirs, des rêves les concernant, nous souhaitons le meilleur, avec trop souvent la sensation d'être à coté de la plaque, coincés avec le sentiment d'un maladresse infantilisante (et pour nous et pour eux) pour faire passer l'une ou l'autre de nos attentions à leur égard.

Nous pressentons bien qu'ils ont besoin de notre présence constante, de nos témoignages, de notre humanitude quand elle n'est pas prisonnière d'une image de soi trop envahissante (celle du bon père, de la bonne mère) ou de positions trop rigides.

Quelques balises

Dans différents articles consacrés aux adolescents en recherche, en souffrance, en difficulté d'être, j'ai eu l'ambition de proposer des balises claires, permettant de se donner des bases pour construire, au-delà des échanges, une vision de nos attentes, de nos apports possibles et de nos zones d'intolérance vis-à-vis d'eux. une balise est un point de repère fixe (à défaut de père il vaut mieux avoir des repères !) pour arriver où nous souhaitons aller et arriver… à condition d'avoir un but !

Les adolescents n'ont que faire des vœux pieux et des intentions louables des parents, c'est à nous d'accepter de nous remettre en cause, d'avoir peut-être d'autres repères différents de ceux que nous croyons connaître pour justement avancer dans leur direction.

Les balises que je voudrais proposer me paraissent concerner tous les parents d'adolescents.

¤   Mieux cultiver, devant eux et dans nos vies, le sens des responsabilités et accepter de tenir nos engagements.

¤   Leur apprendre à mieux différencier besoin et désir et accepter de se positionner, avec plus de fermeté, face aux attentes et demandes dont nous sommes l'objet. en nous rappelant que nous là pour répondre à leurs besoins et non à leurs désirs, même si tout désir… a besoin d'être entendu et reconnu comme tel.

¤   Conscientiser que nous sommes chacun co-créateur de notre vie.

¤   Accepter de nous confronter à nos erreurs.

¤   Oser témoigner de nos valeurs et de nos choix de vie en cohérence avec ces valeurs.

¤   Accepter de dédramatiser, de relativiser les comportements & les événements.

¤   Assurer la permanence d'une présence au présent.

¤   Pratiquer la règle d'hygiène relationnelle suivante : ni accusation, ni excusation, mais responsabilisation.

Je souhaite à tous, qui auront à accompagner, à soutenir ou seulement à entrer en relation avec des adolescents en difficulté d'être, de pouvoir s'appuyer sur l'un ou l'autre des propos défendus et proposés ici et aussi les agrandir et les amplifier autour d'eux.

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20/07/2010
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