On l´appelait Marie-Poubelle
“Marie-Poubelle”…(C’était à Roanne il y a très longtemps…)
On l´appelait Marie-Poubelle.
Dans les rues de la ville on la voyait souvent.
Les gamins du quartier toujours se moquaient d’elle
En la voyant passer dans ses vieux vêtements ...
Je m´en souviens encore. Je devais avoir sept ou huit ans à l’époque. Contrairement aux gosses de mon âge qui pouvaient souvent se révéler vraiment cruels, je ne pense pas m’être moqué d’elle - tout au moins pas en sa présence. Elle me faisait plutôt pitié, et je me demandais comment il était possible pour un être humain d´en arriver là …
Qu’avait-il pu se passer dans sa vie ? Elle avait dû être jeune et sans doute jolie. Avait-elle été mariée ? Avait-elle eu des enfants ? Personne dans mon entourage d’adultes de pouvait me le dire. Au fond, il s’en moquaient eux aussi, de la pauvre “Marie Poubelle”…
On la voyait passer trainant une voiture d´enfant délabrée remplie de ses pauvres possessions. Dans la rue, elle ramassait n’importe quoi. De temps en temps, un passant charitable lui donnait une aumône, mais la plupart des “gens bien pensants” disaient : “Il ne faut pas faire ça: elle va seulement le dépenser en vin ou en cigarettes !”
Un jour on ne l´a plus vue dans les rues de notre ville. Était-elle partie vers d’autres horizons ? Venait-elle de mourir ? En fait, cela n’intéressait personne. La plupart de mes concitoyens étaient heureux de ne plus être obligés de voir cette pauvre femme embarrassante pour leurs regards. Il valait mieux penser á autre chose … "Elle aurait dû travailler, et n’en serait pas arrivée là !"
Des années plus tard, une dame qui habitait un village à une vingtaine de kilomètres de chez nous m’a raconté qu’on avait trouvé le cadavre gelé de la “Louise Poubelle” (comme ils l’avaient surnommée dans cette autre localité) au coin d’une rue, en plein hiver. On l’a jetée à la fosse commune. Personne ne savait d’où elle venait, et s’il existait quelqu’un quelque part qui puisse s’occuper de lui donner un enterrement digne d’un être humain.
Cela fait très longtemps qu’on l’a oubliée. Aujourd’hui, on appelle ces gens les SDF, et ils sont malheureusement beaucoup plus nombreux qu’à l’époque dont je vous parle ...
On l´appelait Marie-Poubelle
Dans les rues de la ville on la voyait passer.
Soixante-dix ans plus tard, parfois je pense à elle,
Cette femme que personne n’a voulu aider…
Jean-Luc Dancy
Ce texte est encore inédit, et fera partie de mon prochain recueil de récits en prose: "À la croisée des destins", (à paraitre dans le courant de cette année).
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Merci d'avance
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