Le 10 septembre aura-t-il lieu ?
Depuis plusieurs semaines, les appels à tout bloquer le 10 septembre se diffusent et se multiplient sur les réseaux sociaux.
La menace a dû paraître suffisamment tangible du côté des Renseignements territoriaux pour que la presse se fasse le relais d’un « retour des Gilets jaunes » qui n’a même pas encore commencé.
Cela aura néanmoins permis à cette bulle spéculative de prendre de l’ampleur au point que tout le monde aujourd’hui attend le 10 septembre.
Le gouvernement et sa police d’un côté, toutes celles et ceux qui n’en peuvent plus, de tout, de l’autre.
Comme toujours, il n’y a pas plus lieu d’être optimiste que pessimiste, il suffit de prendre au sérieux la métastabilité de la situation générale. Nous publions ci-dessous cinq articles autour de cette date mystère. Chacun nous semble important et éclairer à sa manière la compréhension comme l’incompréhension du moment que nous vivons :
Vers le 10 septembre ou la puissance de l’indéterminé –
A l’approche du 10 septembre, entre enthousiasme ici, scepticisme là, et trouille croissante en face, la conscience d’une confrontation à venir ne cesse de croître.
Quelle forme prendra-t-elle ? Pour en avoir une idée, dressons l’inventaire des armes dont vont disposer les deux camps appelés à se former et s’affronter.
Tout bloquer, mieux que la grève - Surgi comme une étincelle de braises jamais éteintes, au mois de juillet 2025, l’appel à TOUT BLOQUER à partir du 10 septembre s’est répandu comme une traînée de poudre. Au bout d’un chaud mois d’été, pendant les vacances, la prairie a pris feu.
Le mot d’ordre BLOQUONS TOUT a été repris dans toute la France, dans les bourgades comme dans les villes, par des dizaines, puis des centaines de sites, blogs, boucles affinitaires.
La vampée de chaleur a atteint les Syndicats et les Partis de Gauche, repris d’injustice coupable à l’égard du soulèvement des Gilets Jaunes. Tout en s’interrogeant sur la « nébuleuse », le « flou » de ce mouvement en gestation, en ordre dispersé et selon leur agenda stratégique, ils se sont solidarisés. (...)
Déjà, pour commencer, bloquer est à la portée de tout-le-monde. Peu importe le métier ou le lieu de résidence, tout-un-chacun peut participer au blocage d’un carrefour, d’une autoroute, d’un centre commercial, d’un entrepôt logistique, d’un siège patronal, d’une Préfecture, d’une Mairie
C’était l’une des nouveautés apportées par le mouvement des Gilets Jaunes, qui, par-là, entre autre, soustrayait aux Syndicats le monopole des luttes, de ses objectifs et de ses moyens d’action.
Car faire grève n’est pas à la portée de tout-le-monde. Ce sont fondamentalement les gens qui ont un emploi stable, un statut du travail protecteur, qui ont peu de risques de se faire licencier.
Quid de tous les travailleurs précaires, des autoentrepreneurs, des chômeurs, des exclus de tout statut de reconnaissance sociale ? (...)
Comment bloquer nécessite des moyens. Bloquer une portion ou un péage d’autoroute, comme une entrée de périphérique, un supermarché ou le hall d’une banque, nécessite la présence de plusieurs dizaines de personnes.
D’autres blocages possibles demandent surtout du savoir-faire.
En cela, le partage des connaissances, autant techniques que relationnelles, peuvent être déterminantes. Le savoir ouvrier, la connaissance de la machine, est ce qui guette le patron, car il sait que l’ouvrier peut retourner son savoir contre lui.
Désormais, dans le monde occidental, ce n’est plus la production directe de biens de consommations qui est au cœur du système, mais bien sa distribution et le prélèvement de sa plus-value.
Tout cela passe physiquement par des ports, des entrepôts, des centrales de transport, de routes, des aéroports, pour ce qui est du transport des marchandises.
Mais ça passe en même temps par des flux financiers, des connexions internet, des multiples réseaux numériques.
Qui ne sont pas dans les cieux de l’ICloud, mais bien stockés dans des armoires informatiques dans des édifices en béton. Ici aussi la fragilité de ce système tient au fait que leurs employés, qui connaissent le système technique, peuvent décider un jour de couper un circuit électrique, d’effacer une banque de données numériques ou de la pirater. Et cela peut causer plus de dégâts qu’une grève. Tout bloquer ouvre plein de voies à l’imagination.
Le coup d’après - La mobilisation pour le 10 septembre arrive à grands pas. De nombreuses actions de sensibilisations et d’appels à ses journées de blocages voient déjà le jour.
Bayrou tente le baroud d’honneur en mettant en jeu le gouvernement par un vote sur le budget le 8 septembre, replaçant l’attention sur la politique institutionnelle.
La gauche hésite à son habitude, plus personne ne l’attend vraiment, alors qu’un grand nombre de bases syndicales sont déjà en mouvement.
Le 10 est sur toutes les bouches, faisons en sorte qu’il soit le début de quelque chose.
Tout bloquer et bien viser - Les Soulèvements de la terre contribueront à « tout bloquer » contre le plan Bayrou à partir du 10 septembre. Nous livrons à la discussion au sein du mouvement qui s’annonce quelques réflexions sur les luttes contre l’intoxication du monde et contre l’alliance des milliardaires réactionnaires.
En attendant le 10 septembre : une miraculeuse exception –
En 1991, Paolo Virno - philosophe et linguiste, professeur à l’Université de Rome, animateur de la revue Luogo Comune et, soit dit en passant, ancien membre présumé des Brigades Rouges, ex-captif d’État et penseur opéraïste - publia Mondanità. L’idea di « mondo » tra esperienza sensibile e sfera pubblica.
L’ouvrage, réédité aux Éditions de l’Éclat et traduit en français sous le titre Miracle, virtuosité et "déjà vu". Trois essais sur l’idée de "monde" par Michel Valenti en 1996, contient un texte intitulé Virtuosité et Révolution dont la splendeur hypnotique, trente ans après, ne s’est pas dissipée. Le livre étant en libre accès ici, nous nous permettons, dans le contexte de l’attente du 10 septembre 2025, d’en republier un extrait. À lire jusqu’à la fin.
Ajoutons pour notre part quelques éléments qui nous paraissent importants :
Avant même qu’il n’entre en action, ce mouvement est déjà considéré comme une menace sérieuse par les pouvoirs publics. Ce qui est craint ce n’est pas prioritairement les revendications diverses et variées ou le nombre de participants mais la forme qu’a choisi le mouvement a priori : horizontale, acéphale, diffuse, auto-organisée. Soit un mouvement littéralement autonome.
La répression risque d’être féroce et immédiate. Les Gilets jaunes ont été vaincus par la violence, le gouvernement s’en souvient. Néanmoins, il suffit parfois de l’apparition d’une nouvelle modalité d’action à la fois audacieuse et efficace pour qu’elle se propage comme une traînée de poudre.
Les différents appels ont en commun d’appeler au blocage et à diverses formes de grève et de désertion. Le geste proposé est donc assez différents de celui des Gilets jaunes qui souhaitaient aller chercher Macron chez lui. Le pouvoir n’est plus projeté dans ses palais institutionnels mais dans l’organisation générale de la vie.
Certains traquent l’incohérence et l’indétermination du florilège des revendications. C’est pourtant la condition de possibilité pour un peu d’inédit. Un mouvement à la hauteur du désastre actuel a besoin de lycéens qui libèrent des vieux de leurs EPHAD, d’infirmières qui désarment des usines pétro-chimiques, de banlieusards qui occupent les mairies de centre-ville et de profs qui terrassent des potagers communaux.
Partir de là où l’on est pour ne jamais rester à sa place, ce devrait être le minimum syndical.
Il y a quelques semaines, l’appel au 10 septembre bénéficiait d’une période de désert électoraliste. Si la France Insoumise s’est certes positionnée pour « offrir une issue politique », la ficelle était trop grosse et l’entonnoir vers les urnes trop étroit. Cependant, l’annonce par Bayrou de son auto-sabordage le 8 septembre coupe l’herbe sous le pied des revendications autonomes mais elle ouvre aussi grande la voie à toutes les récupérations institutionnelles de gauche. Nous allons peut-être devoir revivre le mauvais feuilleton du NFP, au détriment de toute tentative nouvelle et sérieuse.
Parmi les infinies contingences qui amèneront à ce que quelque chose se passe ou non, il y en a une qu’aucun observateur ou analyste ne prend en compte : Gaza.
Nous sommes depuis bientôt deux ans les spectateurs impuissants d’un génocide dont nous suivons l’avancée en directe. Cela produit toutes sortes de terreurs et de ressentiment mais aussi de rage rentrée. Nous sommes témoins de tout ce que le pouvoir peut faire, il n’a donc jamais, à une telle échelle, paru aussi haïssable.
Les forces minimalement organisées pour peser sur le cours des choses sont pour le moment presque inexistantes.
Pour moi les textes les plus intéressants dans ce dossier, sont
Tout bloquer, mieux que la grève
Vers le 10 septembre ou la puissance de l’indéterminé.
La plupart des éléments listés dans l’intro de lundi.am sont intéressants aussi.
Pour différentes raisons, dont l’action de démantèlement continue menée par les patrons et les gouvernements, la grève générale à grande échelle sur la durée est devenue très difficile, assez improbable hélas.
Reste alors en effet théoriquement :
Les blocages : accessibles à tout le monde, avec des tas de cibles et de possibilités - ce qui implique pas mal de monde et une capacité de tenir face à la répression
Les sabotages : si les travailleurs ne peuvent plus vraiment faire grève, sans doute reviendront-ils un jour ou l’autre aux diverses pratiques du sabotage pour stopper la production et la distribution (mais sauront-ils se dégager de la foi dans le travail et dans le respect de l’outil de travail ? - qui accessoirement appartient aux patrons ...). A additionner aux divers groupes autonomes qui agissent déjà dans ce sens.
La multiplication des manifs "sauvage" : là l’impact économique est plus limité, ou alors il faudrait vraiment des sortes d’insurrection et d’émeutes à grande échelle, avec destructions d’entreprises, de concessionnaires et de centres commerciaux.
Très peu probable en France métropolitaine pour l’instant.
Et on sait que la répression est très brutale contre ces modalités d’action
Ce qui aurait le plus de chance d’aboutir ici serait une combinaison
de ces 3 éléments offensifs portés à un niveau élevé, additionné de grèves un peu conséquentes, et d’actions diverses d’entraide, d’alternatives locales et de solidarités.
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