COULEURS-DE-LA-VIE

Beaucoup connaissent déjà ce poème

que j’avais écrit il y a quelques années …

Je me suis dit qu’en ces temps difficiles

où 27 exploitations agricoles disparaissent chaque jour

depuis 2010, surtout dans le monde de l’élevage,

l’évocation d’une étable qui se ferme à jamais avait du sens …

« Une dernière fois refermée… »

Mal assuré, tremblant, le vieil homme ferme la porte

De l’ancienne étable aujourd’hui vide, froide et morte

Pour la dernière fois d’une longue vie de labeur

Il jette un ultime regard, il est presque en pleurs

Sa main mal assurée pousse le loquet rouillé

Chaque jour de sa vie d’avant il a travaillé

Pour s’occuper de ses veaux, de ses vaches, son taureau

Mais la dernière bête est partie hier, vendue

A son âge il faut savoir s’arrêter, fourbu

Son seul fils travaille à la ville dans un bureau

Il est aujourd’hui seul, le dernier du hameau

La vieille étable est close, sombre, en déshérence

Il s’étonne de n’entendre plus que le silence.

Désertés les meuglements, bruits de chaines, sabots

Regard doux des Aubrac et galopade des veaux

Gagné par la peur sourde d’une lente déchéance

Il se demande si survivre a encore un sens

Il se sent inutile, le moral en lambeaux

Il a mille ans, lourd du joug d’une vie, le cœur gros

Mais en s’éloignant, en regardant en arrière

Il voit de la poussière s’envoler dans la lumière

Poudre d’or légère dans un rayon de soleil,

Comme un hommage à son passé, couleur vermeil.

J.L.G.